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1885

Naissance de Bertrand

Kop (Raoul) qui est aux Confins dit en apprenant qu’il a un petit frère ; « eh bien, il faut le jeter à la mare !« 

1886

Bertrand a aujourd’hui 5 mois, il pèse 12 livres.

1887

J’ai acheté ce matin un joli petit manteau bleu marine pour Tran (Bertrand). Il a une petite tournure comme une petit femme. Ce manteau lui va a ravir.

Mes deux chéris ont pris chacun leur premier bain de l’année. Tran a eu peur et ne voulait pas s’asseoir dans sa baignoire, mais je pense qu’au second bain il sera plus hardi.

1891

Tran est bien gentil, il fait déjà des conquêtes. (il a presque 6 ans) Il y a des dames qui passent sur le chemin (qui deviendra l’allée Gambetta) qui lui font mille amitiés. Elles l’embrassent à travers la grille et l’appellent leur chéri. En effet, c’est un charmant enfant doux et sage et si intelligent !

(À Tran qui souffre de l’estomac, sa mère lui donne un peu d’eau de vie. Il a 6 ans)

Minette dit « Maman, Papa »

1894

« Tran est l’obéissance même ».

En Février il est question de mettre Raoul et Bertrand en pension à Nîmes pour 1200 frs les 2.

Tran fait sa deuxième confession….Si le Bon Dieu le protège toujours, je suis persuadée que plus tard cet enfant sera prêtre, jamais il n’oublie ses prières, il pense continuellement au Bon Dieu.

Le médecin ordonne à Tran de l’hydrothérapie : il s’agit tous les jours de le mettre dans une chemise trempée dans de l’eau froide, une autre par-dessus, l’envelopper dans une couverture de laine et le coucher bien chaudement durant une heure pour qu’il ait une réaction, une transpiration. Cela doit le fortifier.

1896

Vers composés par René, son mari, pour sa fête, lus par Tran :

L’allégresse avant-hier habitait dans nos cœurs
De notre mère à tous nous chantions les grandeurs.
De la Vierge Marie nous chantions les cantiques
Que doit-ce être aujourd’hui, oh mère si aimée
Que c’est la fête à toi, la fête désirée.
Oui, nous t’aimons autant sous ses humbles portiques
Que dans tous ces palais les plus riches enfants
Qui offrent à leurs parents les plus précieux présents.
Aujourd’hui aux Confins ni pétards ni fusées
Mais pour toi, Mère aimée, prières enflammées.
Nous demandons à Dieu qu’il te donne santé,
Force et courage : que le petit Néné Cet innocent chéri qui par nos vœux te parle Pas trop ne te fatigue et pas trop ne se plaigne.
Et par notre travail nous chercherons aussi
A contenter ton cœur, c’est notre grand souci !
Vive notre maman ! Que le Bon Dieu lui donne Tout ici et là-haut ! Certes, elle est si bonne !

Rentrée au collège de Juilly pour Raoul et Bertrand : départ à la gare Raincy-Pavillons.
Puis train à Sevran.

Nous allons à pied jusqu’à Sevran pour rejoindre Juilly.
J’ai trouvé mon pauvre doux enfant bien triste, il ne peut se faire à la vie de collège, il pleure beaucoup, il ne mange pas.

1906
Extrait fiche matricule 65101
29/10/1906

Bertrand est classé dans les services auxiliaires. Incorporé au 3e Régiment du Génie.

1907
Extrait fiche matricule 65101
09/07/1907

Bertrand est reformé par une commission spéciale du camp de Châlons, pour tuberculose pulmonaire.

1908

Bertrand est un heureux garçon qui prend la vie du bon côté.

Bertrand a tout à fait envie de se mettre au dessin. Il espère trouver sa voie dans la réparation des tableaux.

Bertrand suit les cours à l’académie Julian (25 frs par mois).

1912

Néné va en Angleterre par le Havre. Bertrand l’accompagne.

Ce serait justice que plus tard les Confins soient à Bertrand. Il s’en occupe tant !

Bertrand porte un paquet de fruits à notre bonne Mme Pinondel qui le gratifiera comme toujours d’un bon verre de petit vin blanc qui lui fera voir tout en rose… Nous allons voir le nouveau pont des Coquetiers.

1913
Ils sont à Villefranche dans un appartement de l’ancienne gendarmerie.

Bertrand est présent, ainsi que Bellotte qui apprend à danser le Boston. Néné est resté à Paris ou plus exactement au collège à Evreux.

J’ai un peu sermoné et grondé Bertrand qui s’endort dans son marasme. Ce n’est pas raisonnable qu’il n’aille plus peindre au Louvre, qu’il vive ici sans jamais bouger ni parler à personne. Il vit comme un chartreux sans désir ni ambition. Il cherche sur des cartes postales des sujets de petits tableaux mais cela ne suffit pas, il faut travailler plus énergiquement.

Bertrand passe un grand examen de dessin pour devenir professeur de la Ville de Paris.

Bertrand a échoué au concours des professeurs.

Bellotte et Raoul ont été cette après-midi à une kermesse donnée à la pension des jeunes filles de Villemomble donnée au profit du clocher.

(Daniel : Hélène ne peut accepter que ses enfants s’éloignent d’elle pour réaliser leur avenir)

Ah ! égoïsme des enfants qui ne pensent guère à leurs vieux parents. Nous aurons tout fait pour celui-ci (Bertrand) et il ne comprendra jamais ce qu’il devrait nous rendre par dévouement…

(Bertrand parle d’aller vivre au Maroc)

Nous avons acheté 2 mètres de machefer que Bertrand a étendu sur nos trottoirs.

1914

Bertrand me considère comme un obstacle à la réussite de ses affaires.

Bertrand a aujourd’hui 29 ans.

Conseil de révision pour Bertrand. Il est trouvé bon pour le service armé.

1915

Bertrand est encore avec nous. Néné a reçu ce matin son appel pour le conseil de révision le 8 Janvier.

Bertrand a reçu son appel ce matin. Il doit partir le 19 pour Chaumont dans la Haute Marne.

Bertrand est déjà au front, il est tringlot et conduit des chevaux d’un point à un autre.

Reçu lettre de Bertrand qui entre dans un bataillon pour aller au feu bientôt.

Il est a Divion dans le Pas-de-Calais.

Nouvelles pitoyables de Bertrand qui est dans les tranchées et c’est pour lui un véritable enfer.

Lettre de Bertrand qui a passé 4 nuits et 3 jours dans les tranchées… au nord d’Arras. Violents combats très meurtriers. Il y a de grosses pertes pour tous.

Nous envoyons de la poudre à Bertrand contre les poux des tranchées dont le pauvre garçon se plaint beaucoup. Ah ! Puisse-t-il la recevoir bien vite ! Raoul est à Bourges et vient à Paris le 5 Juillet. Il apporte une lettre de Bertrand et sur le dos de l’enveloppe écrit d’une main étrangère « légèrement blessé au bras droit. Suis évacué. »

Enfin j’ai appris que mon fils Bertrand est à Quimper à l’hôpital… Nous allons aller le voir. Il faut aller à la mairie pour obtenir demi tarif sur le prix du voyage comme mère et soeur de blessé.

Arrivée à l’hôpital St Yves où le Major très bourru nous permet de voir notre cher blessé… Le pauvre enfant a le bras complètement traversé par un éclat d’obus qui l’a atteint aussi à la cuisse.

 

(Elles restent à Quimper jusqu’au 22)

Bertrand arrive jusqu’au 18 Août.

1916

Bertrand arrive en permission du fond de la Lorraine (20h de route). Il est en bon état physique.

J’apprends par l’oncle Guillaume qui vient me voir que Bertrand a écrit à son oncle pour lui dire que mon NÉNÉ BIEN AIMÉ EST MORT.

Est-ce possible ! Est-ce croyable ! Mon Dieu, pourquoi m’avez-vous frappée de la sorte ?

Mon pauvre chéri a été cruellement blessé dans la nuit du 12 au 13, une jambe écharpée, un pied broyé. Que de souffrances !

Nous sommes réveillées cette nuit par l’arrivée de Bertrand. On sonne à minuit…
Il a vu la tombe à Dugny à l’ambulance.

Bertrand repart à la guerre et Raoul à Marseille le 26.

Bertrand a reçu une lettre du fossoyeur de Dugny qui lui dit que Néné chéri a été mis dans un cercueil. Il lui envoie sa photo.

« Nous assistons ce matin à la messe de notre pauvre petit René à 10 h à St Thomas d’Aquin… Il y avait 44 personnes dont le Père Havret, le Père Delefortrie. On avait mis des faiseaux de drapeaux des deux côtés de l’autel de la Ste Vierge ». Bertrand est présent. Prix de la messe 63 frs.

 

Lettre de Bertrand aux tranchées:

 

« Voici la Toussaint qui vient raviver encore…nos tristes souvenirs. C’est le temps où nos morts dans leurs tombeaux espèrent nos visites et nos fleurs car tous les jours nous les pleurons dans nos cœurs où nous leur avons dressé un autel. La tombe de Papa doit être bien fleurie ! L’autre tombe, mon souvenir attendri l’évoque au milieu de tant d’autres, bien alignées comme des lits dans un dortoir de pensionnat. Sans doute, on a fauché les blés qui les environnaient, et bien peu de fleurs cette année prêteront la grâce de leur sourire au champ où dort une armée.

 

Ma chère Maman, unissons-nous tous et tressons de nos prières et de nos bonnes intentions une couronne qui sera plus éclatante que les chrysanthèmes et d’une odeur plus suave et plus agréable au cœur de notre cher petit disparu ! »

Visite de Bertrand, maigri et fatigué.

1917

Bertrand repart à l’armée par la Gare de l’Est.

Bertrand écrit qu’il a -17°C dans son baraquement. Le pain est gelé. Le vin de la messe gèle.

Lettre de Bertrand qui raconte toutes les souffrances qu’il a endurées dans les tranchées de Champagne : Enlisement dans la boue, enlisement dans sa sape un obus étant tombé sur les marches…

 

Ils ont été enterrés vivants pendant une nuit et un jour mais ont réussi à dégager l’entrée. Ils ont dû se préserver des gaz asphyxiants envoyés par des obus. Bertrand a eu des camarades qui sont devenus fous.

Il a souffert de la faim, de la soif du 11 au 19 Mars.

6h du matin Bertrand arrive aussi en permission ! Mais Raoul doit partir à 9h. Tran est intarissable de détails sur sa triste vie à la tranchée et sur les dangers courus.

Bertrand nous arrive vers 10 h aux Confins, bien maigri. Il vient pour 8 jours. Il est déprimé et fatigué par cette vie de guerre. Ce qu’il nous raconte me glace de terreur pour l’avenir.

Mon cher permissionnaire est bien content de la bonne nuit qu’il a passé dans son lit, la première déshabillé et couché sur un matelas depuis 3 mois.

Bertrand nous dit qu’au milieu des combats il tremble à claquer des dents.

Nous avons reçu ce matin une bonne lettre de notre cher Bertrand qui nous apprend qu’il a enfin obtenu une citation avec la croix de guerre.

Raoul quitte la Belgique…

Bertrand nous arrive en congé pour 14 jours.

Bertrand est reparti et je me réveille très souffrante avec un violent mal de tête.

1918

Bertrand a été BLESSÉ le 6 Juin au Mont de Kemmel (Mont Kemmel) d’un éclat d’obus au genou gauche. Il est à l’hôpital de Bourbourg-Nord.

Bertrand quitte Bourbourg pour St Brieuc : 45h de voyage. Il est guéri.

Bertrand vient a Bernède. Il dessine le château.

Retour de Bertrand à la guerre, mais le médecin dit qu’il est indisponible, sa jambe n’est pas vraiment remise.

Bertrand est retourné au front mais comme infirmier. Il est dans les voitures de l’arrière et soigne les blessés. Il dit que le canon fait rage.

Mon cher Bertrand m’arrive ce matin à 9h ½. Quel bonheur de le revoir ! Congé de 22 jours… Bertrand a encore le genou raide et enflé.

1919

Bertrand écrit qu’il est à l’hôpital à Epinal. Il a dû avoir beaucoup de fièvre car le médecin-chef l’a fait mettre à l’hôpital avant que son régiment soit dissout.

Bertrand arrive en permission.

Du 20 Août au 3 Septembre 1919, Hélène va faire un séjour à Tourcoing chez sa sœur Maria. Bertrand est venu avec elle.

Jacques Donnat propose a Bertrand une place à la Légion d’Honneur à 300 frs par mois. Ce n’est pas une situation suffisante.

1920

La désinfection nous rapporte les matelas et tous les vêtements de ma pauvre. Bertrand est retourné à la Légion d’Honneur.

Projet de mariage de Bertrand avec Marie Zobel. Bertrand refuse.

Nous nous mettons en route pour notre grand voyage de DUGNY (près de Verdun).

Nous traversons la Champagne, Epernay, Chalons,etc. Nous arrivons à Verdun à midi. Nous allons déjeuner dans une œuvre pour les familles éprouvées…Nous visitons toute la ville.

Nuit dans une auberge à Dugny. Mr le curé nous a conduit au cimetière et un dit un « de

profondis » sur la tombe de notre cher petit martyr. Ce matin il a dit la messe pour lui.

 

Visite des champs de bataille en autocar.
1922
Hélène vit avec ses deux fils Raoul et Bertrand rue Mayet à Paris 6e. Raoul est violoniste, Bertrand est peintre et en même temps employé à la Grande Chancellerie de la Légion d’Honneur.

 

 

Bertrand emmène sa mère au cinéma de la rue d’Odessa voir un film américain très mouvementé et truqué.

Départ d’Hélène et Bertrand pour DUGNY. Arrivée par le train vers midi à Verdun.

Nuit à Dugny. Après-midi au cimetière auprès de la tombe chérie. J’y ai dit mon Rosaire. Bertrand y a fait une aquarelle. Visite à Mme Bodeau, la châteleine du Prieuré où notre Néné est mort. Cette dame est bien aimable et surtout très pieuse.

EXHUMATION. Bertrand y assiste : « Il a revu les restes glorieux de son frère chéri, a vu ses blessures, une jambe cassée en deux endroits, son corps était à moitié couvert de son linge et de sa capote en lambeaux, ses bras croisés. À l’un de ses poignets il a repris sa médaille d’identité où l’on pouvait encore lire son nom « de CHAMPEAUX René, sergent au 169e».

 

Bertrand a retrouvé sa plaque à lui qu’il avait donné au fossoyeur en 1916 pour clouer sur son cercueil.

 

Retour à Verdun le jour-même

Nuit à l’hôtel de la Cloche d’Or, puis train pour Paris.

Hélène quitte la rue Mayet pour habiter aux Confins avec Bertrand et ainsi laisser l’appartement au ménage de Raoul.

Bertrand m’emmène peindre l’abbaye de Livry. Il a fait un joli tableau à l’huile. Pauvre abbaye dévastée. Malgré ses ruines le parc avec ses étangs est toujours une merveille.

Bertrand va voir Mme Delahousse.

Bertrand a aujourd’hui 37 ans.

Raoul a loué une chambre à l’hôtel avec Madeleine et Hélène revient avec Bertrand dans l’appartement de la rue Mayet.

Je vais avec Bertrand entendre au Trocadéro « Le Messie » de Haendel. Raoul y joue.

1924

Les Confins. Je veux qu’ils soient donnés à Bertrand en récompense pour son dévouement pour moi… Raoul aura pour sa part le 27 rue Mayet. Les fruits du potager seront pour tous les deux.

Bertrand est allé porter 4 aquarelles à une exposition des blessés de guerre aux Invalides. On lui a offert 75 frs pour 9 aquarelles en plus des 4 autres encadrées.

Bertrand vend dans la matinée pour 36 frs d’aquarelles à la foire aux croutes à Montmartre. IL est très content.

Je remercie le ciel qui m’a donné un bon Bertrand, un ange consolateur qui veille tant sur sa pauvre mère si infirme.

Nous allons chez les Chaumien entendre un concert par la télégraphie sans fil de la tour Eiffel. C’est très curieux… Voilà un plaisir qu’on ne connaissait pas autrefois, entendre chez soi des concerts !

Bertrand me conduit dans ma voiture d’infirme à l’église de Villemomble.

1926

Bertrand m’emmène au cinéma voir le 1er chapître des Misérables de Victor Hugo.

Bertrand a vendu pour 1425 frs de tableaux à la foire aux croutes Bd St Germain. Il a vendu 62 œuvres.

Bertrand a reçu une lettre qui lui parle d’un parti, elle le convoque à une entrevue… Cela me bouleverse et j’en pleure.

 

En Mars plusieurs partis seront présentés à Bertrand.
Aucun ne lui convient vraiment.
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