17 décembre 2021. Isabelle fait le tri parmi les cartons trouvés dans le grenier des Confins.
Il y a là le faire-part de décès de René, décédé à Verdun en juillet 1916. Conservée précieusement par la famille, il y a une lettre manuscrite recto verso sur papier de soie (quasiment illisible). Isabelle tente de déchiffrer le texte ainsi.

C’était la relève dans la nuit du 12 au 13 juillet vers 1h et demie du matin. La 9ème compagnie dont votre fils faisait partie se trouvait entre le fort de Souville et le bois Fersin à mi-côte lorsqu’un tir de barrage de 190 et de 210 se déclenche sur elle. Votre fils immédiatement, apercevant un trou d’obus, se coucha à plat ventre au fond près d’un arbre à côté d’un autre sergent de la même compagnie que lui. Il n’en eut que juste le temps car un obus de 190 tombait près de lui et rasant sa jambe gauche le projeta en l’air avec plusieurs blessures aux jambes et aux cuisses, d’ont deux à la jambe gauche et une plus profonde à la droite. 

Le sergent Babaut qui se trouvait aussi couché se relevant le chercher immédiatement et appelait 4 brancardiers le fit déposer sur un brancard.

Malgré ses blessures affreuses, René ne cria pas et lorsqu’il fut pour partir, embrassa son camarade pendant que la compagnie continuait de s’acheminer vers les 1ères lignes.

27 juillet 1916

Bruel Sergent 169 : IIe Cnie secteur 191

Au dos de cette même feuille de papier de soie il est écrit :

Le 12 juillet nous étions prêts à monter en ligne vers 9h du soir nous atteignons les casernes Marceau et là nous avions subi un tir de barrage de 190 à 210.

Vers 11h du soir je suis allé voir le capitaine pour lui demander si nous partions en ligne et en revenant je vis René couché derrière un arbre avec un autre homme. Je lui dis bonjour et nous échangions notre dernier regard. A peine avais-je fait quatre mètres en arrière de lui que j’entends un obus de 110. Je me couche à plat ventre et j’attends. L’obus perçant à 0m20 de René, fait un trou énorme et projette mon pauvre ami à une dizaine de mètres du trou. J’étais à moitié étourdi. Je me relève tant bien que mal et regarde devant et autour de moi. Je me souviens de l’explosion et au bout d’un moment je trouve le corps inanimé de René. J’appelle les brancardiers et aussitôt je les aide à le soigner. 

Je suis certain que René a fait tout son possible pour ne pas crier afin de ne pas démoraliser ses camarades. Il a été magnanime et extrêmement courageux jusqu’au moment où les brancardiers l’emportèrent. Il a simplement dit « Ah ! Puis après : Mon Dieu ! et ensuite quand je lui ai serré la main, « Au revoir Bab…! Il s’est évanouit aussitôt. Il croyait qu’il était perdu. Ses blessures étaient nombreuses dans les deux jambes mais la nuit m’empêchait de bien m’en rendre compte.

5 août 1916

R. Babaut

En 2023, je découvre cet extrait évoquant la présence du 169e RI sur le secteur Souville entre le 11 et le 16 juillet 1916.
Jean-Luc Quémard, Riv54 
Source Youtube

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