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1896

Naissance de René

1908

Première Communion de René à St Thomas d’Aquin. Il y a 175 Communiants.

En Octobre, il est question, sur les conseils du Père Havret de mettre Néné (René) au collège à Evreux, mais sa mère veut le garder car il est « son rayon de soleil ». Collège St François de Salles 500 frs de pension + 300 frs de frais.

1912

Distribution des prix de Néné à Evreux.

Néné va en Angleterre par le Havre. Bertrand l’accompagne.

Néné va au salon d’automne où il y a exposition de tableaux cubistes
« Des paysages et des personnages faits en cubes . On ne sait au juste ce qu’on voit dans ces tableaux ».

Néné repart au collège à Evreux. Il ne reviendra qu’en Mai.

1913
Ils sont à Villefranche dans un appartement de l’ancienne gendarmerie.

Bertrand est présent, ainsi que Bellotte qui apprend à danser le Boston. Néné est resté à Paris ou plus exactement au collège à Evreux.

Néné arrive pour 4 jours à Paris.

Néné se prépare à passer son baccalauréat.

Néné a aujourd’hui 17 ans… et le voilà déjà arrivé au moment de son baccalauréat.

Néné arrive du Collège d’Evreux pour les vacances.

Retour à Paris pour que Néné puisse passer son baccalauréat à la Sorbonne le 21. Néné va dans la matinée voir un professeur de la Sorbonne… qui va lui faire passer demain un examen préparatoire.

Premier jour d’examen de Néné. Nous sommes dans une fièvre inexprimable. Version et devoir de français. Demain ce sera les sciences.

Deuxième jour d’examen ! Néné n’est pas très content de son examen de mathématiques.

Néné prépare son oral.

Il est admissible à l’écrit mais échoue à l’oral : Il est tombé sur de mauvais examinateurs qui n’ont vu en lui qu’un élève d’une école libre, bon à pressurer.

Séjour en vacances à St Valéry-en-Caux avec Raoul et Néné. Raoul joue du violon au casino.

Le 9 Août nous avons dû faire plus d’un kilomètre en pleine campagne, nous avons rencontré des chevaux et des vaches qui m’ont fait très peur !

Nous allons conduire Néné à Dieppe pour qu’il prenne ce soir le bateau pour Londres. (Séjour chez Mistress Cooke).

Retour de Néné d’Angleterre. Il a une mine superbe, très engraissé, très entrain.

Néné travaille avec courage dans sa chambre. Il a fait du latin ce matin avec son père et il s’étonne de trouver en lui un bon latiniste. Il dit que son père est aussi fort que son professeur du collège. Visite de Mme Pinondel avec ses sœurs en voiture… Elle est toujours gaie et avenante aussi ai-je toujours grand plaisir à la revoir.

Néné retourne au collège à Evreux pour préparer son examen d’octobre.

Néné passe à la Sorbonne son oral du baccalauréat. Il est reçu et donc bachelier de rhétorique. Il reste donc avec nous pour la Toussaint.

Néné va repartir après le Jour de l’An avec Raoul qui s’occupera de l’achat d’un terrain au cimetière de Vaugirard où est enterré Mr Gatty.

1914

Départ à Villemomble pour les vacances de Pâques avec Néné et Bellotte.

Nous allons payer la feuille permettant à Néné de passer son examen de philosophie. C’est 90 francs. Ce bureau de la Sorbonne se trouve dans une vieille maison du quai St Augustin. On y fait queue tant il y a des étudiants voulant passer leurs examens.

Néné a réussi son examen à la Sorbonne, écrit et oral. Il est bachelier en rhétorique et en philosophie. Il vient d’avoir 18 ans le 4 Juin.

Les nouvelles politiques sont excessivement graves. Il paraît que la guerre est déclarée entre l’Autriche et la Serbie. Ce sera bientôt un conflit général. La France, amie et alliée de la Russie se prépare à entrer en guerre pour soutenir et aider la Russie. Mais en attendant la panique est en France. Tous les bureaux de caisse d’épargne sont assiégés par la foule des gens qui viennent chercher leur argent. Néné dit qu’il s’engagera…Bellotte dit qu’elle va me conduire dans le Nord pour avoir sa liberté et s’en aller avec la Croix Rouge soigner les blessés.

Raoul a gardé le pont des Coquetiers de 8h à minuit, Néné sa place de 4h à 8h. … Il paraît que nous sommes entourés d’espions allemands.

Néné veut que je signe une autorisation pour qu’il s’engage. Je n’y suis pas du tout disposée.

Néné s’incrit à l’école de Droit 32,50

Néné entre ce matin pour la première fois à la chancellerie de la Légion d’Honneur. Il va y gagner 150 frs par mois.

1915

Bertrand est encore avec nous. Néné a reçu ce matin son appel pour le conseil de révision le 8 Janvier.

Néné a reçu ce matin sa feuille de route pour le 21. Il va à Montargis.

Finalement Néné est convoqué tout de suite Boulevard Brune dans un bureau militaire et là on lui a dit qu’il était reçu à son examen d’élève officier et qu’il devait partir aujourd’hui pour se faire équiper à Montargis… Pourquoi ne le laisse-t-on pas passer sa tête de Pâques en famille ! J’en suis malade de chagrin !

Néné quitte Montargis pour St-Cyr.

Nous allons à la messe de 8h avec Raoul. Au retour nous avons une grande joie. Nous voyons un gentil et très jeune militaire qui s’avance vers nous et nous reconnaissons Néné. Ah ! Comme il a bonne mine, comme il est joli, frais et rose dans son uniforme bleu horizon !

Avec Raoul et Néné qui est venu passer le dimanche avec nous, nous allons au cinéma…. On y voit des bateaux de guerre aux Dardannelles, agités par la tempête en pleine mer, et c’était curieux d’entendre les observations saugrenues de nos voisins qui certainement n’en avaient jamais vu en réalité et qui disaient : « Pourquoi les fait-on bouger comme cela ? »

Néné arrive. Il a échoué à son examen et n’est que sergent . Il vient pour 8 jours à Villemomble.

Le courrier de ce matin m’apporte une pénible nouvelle ; Mon pauvre petit Néné est parti au front hier matin. Il s’en va en Argonne du côté du Four-de-Paris… J’ai beaucoup pleuré toute la journée…

Nouvelle de Néné, il est du côté de Vaucouleurs.

1916

Reçu lettre de Néné qui vient de passer 4 jours à la tranchée de 1ère ligne. Il a eu bien froid, a été bien mouillé et privé de sommeil.

(Lettre codée de Néné) : « À Verdun rive droite avant 8 jours »

J’apprends par l’oncle Guillaume qui vient me voir que Bertrand a écrit à son oncle pour lui dire que mon NÉNÉ BIEN AIMÉ EST MORT.

Est-ce possible ! Est-ce croyable ! Mon Dieu, pourquoi m’avez-vous frappée de la sorte ?

Mon pauvre chéri a été cruellement blessé dans la nuit du 12 au 13, une jambe écharpée, un pied broyé. Que de souffrances !

Les obsèques de Néné se feront à l’église St Thomas d’Aquin, où il a fait sa Première Communion.

Bertrand a reçu une lettre du fossoyeur de Dugny qui lui dit que Néné chéri a été mis dans un cercueil. Il lui envoie sa photo.

Convocation à la mairie du 6e pour avertir de la mort de Néné. « On ne se dérange plus pour prévenir les familles ! »

« René de Champeaux, sergent, a été cité comme ayant été décoré de la médaille militaire et de la croix de guerre. Il est mort bravement pour la grande cause que nous défendons tous » écrit le sergent Charpentier.

« Nous assistons ce matin à la messe de notre pauvre petit René à 10 h à St Thomas d’Aquin… Il y avait 44 personnes dont le Père Havret, le Père Delefortrie. On avait mis des faiseaux de drapeaux des deux côtés de l’autel de la Ste Vierge ». Bertrand est présent. Prix de la messe 63 frs.

 

Lettre de Bertrand aux tranchées:

 

« Voici la Toussaint qui vient raviver encore…nos tristes souvenirs. C’est le temps où nos morts dans leurs tombeaux espèrent nos visites et nos fleurs car tous les jours nous les pleurons dans nos cœurs où nous leur avons dressé un autel. La tombe de Papa doit être bien fleurie ! L’autre tombe, mon souvenir attendri l’évoque au milieu de tant d’autres, bien alignées comme des lits dans un dortoir de pensionnat. Sans doute, on a fauché les blés qui les environnaient, et bien peu de fleurs cette année prêteront la grâce de leur sourire au champ où dort une armée.

 

Ma chère Maman, unissons-nous tous et tressons de nos prières et de nos bonnes intentions une couronne qui sera plus éclatante que les chrysanthèmes et d’une odeur plus suave et plus agréable au cœur de notre cher petit disparu ! »

(Elle reproche à son défunt mari de ne pas avoir protégé son fils )

 

Nous allons au cimetière dire à notre cher René que nous l’aimons toujours quoique il n’ait pas pu protéger notre petit chéri.

1917

Il y a 6 mois que mon bien-aimé petit Néné est mort !

 

Son ami le sous-lieutenant Babault vient nous voir et nous dit que Néné a eu les jambes brisées et le ventre ouvert par un éclat d’obus. Il a eu ses vêtements déchirés, ses lunettes brisées dans ses yeux. Il a du avoir un œil crevé. Son camarade a vu couler son sang le long de sa joue.

Le Père Benier, aumônier militaire, vient nous voir et nous dit que Néné n’a pas eu les yeux crevés. Le sang sur les joues venait d’égratignures. Il fait – 9°C et il neige .

Nous allons à la messe à Villemomble. Nous allons dire bonjour à Mr le curé. Le nom de Néné chéri a été écrit en lettres d’or sur des plaques de marbre dans l’église. Il n’est donc pas oublié dans ce petit pays où il est né..

En revenant de la messe de Villemomble nous rencontrons Mr et Mme Temporal qui ignoraient la mort de Néné.

Bellotte m’en veut que je ne veux pas qu’elle donne des leçons tous les après-midi. Elle trouve ma société déprimante parce que je n’aime plus la vie et que je pleure toujours mon petit Néné.

1919

Je me suis remise à écrire la vie de Néné. J’écris ses lettres du collège quand il avait 12 ans et je les trouve toutes si bien tournées, si intéressantes que cela me poigne le cœur et me fait pleurer toutes mes larmes.

1922

L’exhumation de mon cher René se fera le 26 Juin.

Nuit à Dugny. Après-midi au cimetière auprès de la tombe chérie. J’y ai dit mon Rosaire. Bertrand y a fait une aquarelle. Visite à Mme Bodeau, la châteleine du Prieuré où notre Néné est mort. Cette dame est bien aimable et surtout très pieuse.

EXHUMATION. Bertrand y assiste : « Il a revu les restes glorieux de son frère chéri, a vu ses blessures, une jambe cassée en deux endroits, son corps était à moitié couvert de son linge et de sa capote en lambeaux, ses bras croisés. À l’un de ses poignets il a repris sa médaille d’identité où l’on pouvait encore lire son nom « de CHAMPEAUX René, sergent au 169e».

 

Bertrand a retrouvé sa plaque à lui qu’il avait donné au fossoyeur en 1916 pour clouer sur son cercueil.

 

Retour à Verdun le jour-même

Nuit à l’hôtel de la Cloche d’Or, puis train pour Paris.

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